Séisme au Népal
Entretien avec notre équipe à Katmandou
« Certains patients sont traités à même le sol. »
Lorsque la terre tremble au Népal samedi matin, deux membres de l’équipe de Médecins du Monde se trouvent dans nos bureaux de Katmandou. Sophie Baylac, coordinatrice générale du projet en santé materno-infantile, raconte les premiers jours après le séisme, alors que l’aide d’urgence de Médecins du Monde au peuple népalais s’organise.
Comment avez-vous vécu le séisme de samedi ?
Quand la terre a tremblé pour la première fois nous étions terrifiés, tout bougeait énormément autour de nous. Nous avons immédiatement évacué la maison pour gagner le jardin, loin des murs qui pouvaient s’effondrer autour de nous. Le plus difficile, ce n’était pas tant le séisme en lui-même que le stress des secousses à répétition pendant les 48 h qui ont suivi. Nous avons eu plus de 60 répliques, dont l’une de magnitude 6,7.
Nous avons passé trois nuits dans une tente dans le jardin. Finalement, nous avons eu de la chance, car notre quartier n’a pas subi d’importantes destructions. Nous disposions de réserves d’eau et de nourriture suffisantes. Cela nous a permis d’accueillir du personnel d’Action contre la faim, la famille d’un membre de l’équipe qui avait perdu sa maison, mais aussi des voisins. Pendant 72 heures, nous n’avons pas pu retourner dans la maison. Mais l’état d’alerte face au risque de grosses répliques a été officiellement levé vers 3 heures du matin ce mardi (21h45, heure de Paris).
Quelle a été votre première réaction face à la catastrophe ?
Notre grosse inquiétude concernait la santé de nos équipes népalaises. Nous nous sommes donc coordonnés afin d’obtenir des nouvelles de chacun et de s’assurer que tous étaient en sécurité. Les moyens de communication fonctionnaient alors très mal et nous sommes restés sans nouvelles d’une de nos infirmières pendant 48h. Finalement, nos équipes sont saines et sauves mais 7 personnes, soit la moitié du staff, a perdu sa maison dans le tremblement de terre. Ma plus grande joie a été de les retrouver tous lundi matin au bureau, lorsqu’il est devenu moins risqué de se déplacer. Certains étaient à Katmandou, d’autres à Chautara, dans le district de Sindhupalchok. Aujourd’hui plusieurs de nos collègues originaires de cette région n’ont pas de nouvelles de leurs proches. Nous savons que le directeur d’une organisation partenaire, le CEDCF, a perdu son père dans le tremblement de terre. Mais il est encore trop tôt pour mesurer l’étendue des pertes.
Quelle est la situation sanitaire aujourd’hui au Népal ?
Au départ nous n’avions pas d’information sur le nombre de victimes et de blessés. Il s’avère finalement que les pertes les plus importantes sont recensées dans notre zone d’intervention, le Sindhupalchok. Pour le moment aucune organisation n’a accès à cette région où la population reste sans aide. Il n’y a pas suffisamment d’unités de soins intensifs pour prendre en charge les victimes, les soins chirurgicaux manquent et les hôpitaux disposent de trop peu de lits pour accueillir les blessés. Sans compter les problèmes de sécurité : certains patients sont traités à même le sol parce que les bâtiments sont fragilisés et risquent de s’écrouler.
À Katmandou, une dizaine de camps de déplacés se sont montés pour accueillir les familles dont la maison s’est effondrée ou menace de s’écrouler. Les déplacés font face à des problèmes d’accès à l’eau, à l’hygiène, à la nourriture. La situation sanitaire est telle que des personnes commencent à être malades. Or de nombreux hôpitaux ont été détruits. Les autres sont complètement débordés.
Propos recueillis par Thomas Flammerion