GAZA

Gaza : Nos vives inquiétudes depuis la reprise des combats

Médecins du Monde est extrêmement préoccupé par les conditions de vie de la population civile à Gaza dans un contexte de reprise des hostilités et d’expansion de l’opération terrestre israélienne dans le sud de l’enclave

Gaza. Octobre 2023. © MdM

Gaza. Octobre 2023. © MdM

Compte tenu de l’ampleur sans précédent de la catastrophe humanitaire dans la bande de Gaza, la reprise des bombardements ne fait que condamner à la mort des milliers de civils supplémentaires. Alors que plus de 15’000 personnes ont déjà été tuées, le reste des 2,3 millions d’habitants de l’enclave assiégée sont menacés non seulement par les opérations militaires, mais aussi par l’effondrement total du système de santé, la famine, la consommation d’eau contaminée et la propagation de maladies contagieuses.

Combien de milliers de civils doivent encore mourir avant que la communauté internationale ne se rassemble autour de l’appel à un cessez-le-feu urgent et permanent ?

Depuis huit semaines, la communauté humanitaire a continuellement souligné que le respect du droit international humanitaire (DIH) n’était pas compatible avec la poursuite des hostilités à Gaza. Nous n’avons cessé d’insister sur la catastrophe humanitaire et de santé publique causée par les bombardements intensifs dont la première victime est la population civile. Nous sommes aujourd’hui consternés d’assister à la reprise des combats alors que la situation sur le terrain n’a jamais été aussi désespérée.

La pause de 7 jours, du 24 novembre au 1er décembre, n’a pas permis aux agences humanitaires de répondre aux besoins colossaux d’une population assiégée soumise à deux mois de bombardements continus. Plus de 65% des hôpitaux se sont effondrés et le reste de l’infrastructure sanitaire est toujours gravement touché par les pénuries de médicaments et de matériel médical. Les commerces sont toujours épuisés et la population est confrontée à un risque élevé de famine. La plupart des installations de production d’eau sont restées fermées en raison du manque de carburant, de sorte que la population a continué à boire de l’eau contaminée. L’effondrement total des infrastructures d’assainissement a continué d’aggraver les conditions sanitaires et a favorisé l’apparition de maladies infectieuses. 1,8 million de personnes sont toujours déplacées, la plupart d’entre elles n’ayant pas d’abri approprié. C’est dans ce contexte catastrophique que les parties au conflit ont choisi de reprendre les combats.

Un nombre croissant de civils ont besoin de soins de santé alors que la détérioration de la situation sanitaire atteint une ampleur sans précédent. L’effondrement accéléré des infrastructures de santé met davantage en danger la vie de tous les civils. Tandis que des flots de civils blessés sont amenés dans des hôpitaux surchargés dont les taux d’occupation ont atteint plus de 171%, l’UNICEF fait état de conditions catastrophiques dans les établissements de santé du Sud, déclarant que les hôpitaux de Khan Younis « ressemblent à une zone de mort à l’heure actuelle ». Avec une augmentation significative des cas de diarrhée, d’infections respiratoires aiguës, d’infections cutanées et d’hépatite A, les personnes les plus vulnérables – enfants, femmes enceintes et allaitantes, femmes venant d’accoucher, personnes handicapées – sont particulièrement menacées. Cette situation insupportable où 2,3 millions de vies sont en danger pourrait et devrait être évitée par la mise en œuvre urgente d’un cessez-le-feu permanent.

Alors que la situation humanitaire se dégrade d’heure en heure, l’acheminement de l’aide devient de plus en plus difficile car l’opération terrestre israélienne se déplace vers le sud, séparant de fait la bande de Gaza en trois parties et empêchant l’acheminement de l’aide humanitaire entre le nord, le centre et le sud de l’enclave. Médecins du Monde condamne également l’émission d’ordres d’évacuation militaires israéliens à Khan Younis. Depuis le début des hostilités, ils n’ont jamais eu pour but de fournir une protection à la population civile car il n’y a pas d’endroit sûr où les civils peuvent se réfugier. Les hôpitaux ont été forcés d’évacuer dans des conditions inacceptables, entraînant la mort de patients. La communication de la carte des zones d’évacuation en ligne aux habitants de Gaza par l’armée israélienne ne peut être considérée comme un effort de protection des civils. Alors que la population a un accès limité à Internet en raison des coupures de télécommunications, cette carte ne fait qu’accroître la confusion et la panique. Le fait de forcer la population civile à s’installer dans des zones de plus en plus restreintes où les conditions de sécurité, d’abri, de nutrition et d’hygiène ne sont pas réunies pourrait constituer une grave violation du droit international humanitaire. Le déplacement massif de centaines de milliers de civils vers des zones de plus en plus étroites n’est pas conforme au DIH, est physiquement impossible et n’est absolument pas viable d’un point de vue humanitaire.

C’est une catastrophe entièrement provoquée par l’homme que nous voyons se dérouler sous les yeux du monde entier. Aucun objectif militaire ne peut justifier l’ampleur de la dévastation dont nous sommes témoins aujourd’hui dans la bande de Gaza. Comme l’a souligné le Secrétaire Général de l’ONU, « en quelques semaines, un nombre bien plus important d’enfants a été tué par les opérations militaires israéliennes à Gaza que le nombre total d’enfants tués au cours d’une année, par n’importe quelle partie à un conflit depuis [2017] ». Dans un contexte aussi effroyable, le respect de la vie humaine et du droit international humanitaire doit primer sur tout autre intérêt politique. Tous les États doivent intensifier leur pression diplomatique sur les parties au conflit pour qu’elles mettent en œuvre de toute urgence un cessez-le-feu permanent. Nous exigeons un cessez-le-feu urgent.