De Gaza à la Cisjordanie : les entraves systématiques à l'aide humanitaire rendent la vie des Palestiniens intenable
Un nouveau rapport signé par plusieurs ONG, dont Médecins du Monde, offre une analyse de l’impact de ce que l’ONU a décrit comme l’usage illégal de la force par les forces israéliennes, les restrictions de mouvement et les attaques de colons sur la capacité des organisations humanitaires à accéder aux communautés touchées depuis l’entrée en vigueur de la pause des hostilités à Gaza le 19 janvier 2025.
Les résultats révèlent que, comme le gouvernement israélien a systématiquement sapé l’accès de l’aide à Gaza avant la pause des hostilités, des schémas similaires émergent en Cisjordanie.
Depuis l’entrée en vigueur de la pause des hostilités à Gaza, la situation humanitaire en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, s’est considérablement détériorée. Un certain nombre de nouveaux points de contrôle ont été mis en place, au moins 20 nouvelles portes en fer auraient été installées à l’entrée des villes, et les restrictions de mouvement se sont intensifiées dans toute la Cisjordanie, séparant les villages des villes, entravant l’accès aux services.
Le 21 janvier, les forces israéliennes ont lancé une vaste opération militaire à Jénine, qui comprend des frappes aériennes et des opérations terrestres. L’opération a été étendue à Tulkarem le 27 janvier et au camp de réfugié de El Far’a le 3 février.
Utilisant des tactiques rappelant les atrocités observées à Gaza, telles que les sièges, les frappes aériennes et les restrictions de mouvement, l’opération a conduit à un niveau de violence, de destruction et de déplacement massif en Cisjordanie jamais vu depuis la Seconde Intifada.
Le nombre moyen de Palestiniens tués en Cisjordanie au cours des deux semaines qui ont suivi la pause des hostilités à Gaza a triplé par rapport à la même période immédiatement auparavant.
Plus de 40 000 personnes ont été déplacées de force des camps de réfugiés de Jénine, Tulkarem, Nur Shams et El Far’a, et de nombreuses communautés sont assiégées ou coupées des services essentiels, ce qui aggrave l’insécurité alimentaire et rend la vie de plus en plus intenable.
Le 23 février, le ministre de la défense israélien a déclaré l’intention d’assurer une présence militaire permanente dans les camps de réfugiés déjà “nettoyés” par l’armée israélienne, et de prévenir le retour de leurs habitants. Le même jour, l’armée israélienne a envoyé des tanks à Jénine, la première fois en Cisjordanie depuis la Seconde Intifada.
La violence des colons a également continué d’augmenter. Dans de nombreux cas, des soldats israéliens étaient présents ou participaient à ces attaques, ce qui reflète un schéma continu de violence soutenue par l’État qui aggrave les menaces contre les Palestiniens et sape les efforts humanitaires. Des communautés entières ont été déplacées de force par la violence des colons et l’environnement coercitif imposé par l’occupation israélienne.
La violence de l’armée israélienne et des colons en Cisjordanie est en hausse depuis au moins avril 2022.
L’année 2024 a été l’année la plus meurtrière en Cisjordanie depuis que l’ONU a commencé à surveiller systématiquement ces chiffres.
Parallèlement, l’annexion de facto de la Cisjordanie par le gouvernement d’Israël progresse rapidement, en violation du droit international, comme l’indique l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice de juillet 2024.
PRINCIPALES CONSTATATIONS :
Dans cette enquête menée en février 2025, 42 organisations humanitaires internationales et nationales opérant en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, ont partagé leurs expériences en matière d’aide et de services humanitaires depuis le début de la pause des hostilités à Gaza le 19 janvier jusqu’au 11 février 2025.
Parmi les 42 organisations humanitaires interrogées :
- Accès humanitaire : 100 % des organisations humanitaires interrogées ont signalé des difficultés accrues à acheminer de l’aide depuis la pause des hostilités à Gaza
- Restrictions de mouvement délibérées : 93 % des organisations interrogées ont déclaré que les barrages routiers israéliens, les refus de permis et les retards aux points de contrôle entravent les opérations
- Modifications et annulations : 76 % des organisations sondées ont dû modifier ou annuler des activités humanitaires en raison de risques pour la sécurité
- Menaces contre les travailleurs humanitaires : 86 % des organisations interrogées ont signalé une exposition accrue à la violence, à l’intimidation et aux déplacements alors que les forces israéliennes et les colons intensifient la pression sur les communautés palestiniennes
- Les démolitions comme outil de déplacement : 68,75 % des organisations interrogées ont signalé une intensification des démolitions de maisons, d’écoles et d’infrastructures essentielles
PRINCIPALES RECOMMENDATIONS :
- Les États doivent respecter leurs obligations légales en vertu de l’avis consultatif de la CIJ concernant la présence d’Israël dans le Territoire Palestinien Occupé, renforcé par la résolution de l’AGNU A/ES-10/L31, et prendre des mesures immédiates pour mettre fin à l’annexion israélienne de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et pour mettre fin à l’occupation illégale.
- Les États doivent veiller à ce que le gouvernement d’Israël, en tant que puissance occupante, respecte ses obligations en vertu du droit international, en donnant la priorité aux soins de santé et aux autres services essentiels en Cisjordanie.
- Les États doivent veiller à ce que les autorités israéliennes lèvent toutes les restrictions à la liberté de mouvement et garantissent un passage sûr et sans restriction aux Palestiniens et aux agences humanitaires.
- Les États doivent exhorter le gouvernement israélien à revenir sur le projet de loi de la Knesset interdisant l’UNRWA. Les États doivent également appeler le gouvernement israélien à annuler les nouvelles mesures qui restreignent l’espace humanitaire et civique, notamment la récente décision du gouvernement sur l’enregistrement des ONG internationales et les exigences en matière de visa, et le projet de loi imposant des restrictions financières et opérationnelles aux ONG israéliennes recevant des financements étrangers.
- Les gouvernements donateurs devraient augmenter le financement des fournisseurs d’aide humanitaire et d’aide au développement aux communautés de la zone C afin de permettre aux organisations humanitaires d’atteindre tous les Palestiniens qui ont besoin d’aide, quel que soit l’endroit où ils se trouvent
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