Rapport de Médecins du Monde : À Gaza, la faim est utilisée comme arme de guerre

Dans un rapport alarmant publié aujourd'hui, Médecins du Monde constate qu'en seulement un an et demi, la malnutrition aiguë à Gaza a atteint des niveaux comparables à ceux observés dans les pays confrontés à des crises humanitaires prolongées, s'étalant sur plusieurs décennies. En cause, le siège imposé par les autorités israéliennes. Médecins du Monde demande aux États d'agir immédiatement pour éviter les morts liés à la malnutrition aigüe.
Au cours des dix derniers mois, Médecins du Monde a suivi l’évolution de la malnutrition aiguë chez les enfants et les femmes enceintes et allaitantes dans ses six centres de santé actifs dans la bande de Gaza assiégée. Ainsi en 2024, près d’un nourrisson de moins d’un an sur quatre et 19 % des femmes enceintes ou allaitantes ont été identifiés comme souffrant de malnutrition aiguë*.
- En novembre 2024, le taux de malnutrition aiguë chez les enfants a atteint 17 %, le niveau le plus élevé enregistré en 2024. Cette hausse coïncide avec la chute drastique du nombre de camions d’aide humanitaire autorisés à entrer dans l’enclave en octobre 2024. À titre de comparaison, en 2022, seuls 0,8 % des enfants de moins de cinq ans à Gaza souffraient de malnutrition aiguë selon l’OMS.
- La trêve entrée en vigueur le 19 janvier 2025 a permis la levée partielle des restrictions israéliennes et une augmentation de l’entrée des produits alimentaires. Dès lors, les taux de malnutrition aigüe chez les enfants ont fortement chuté, passant de 17% en novembre 2024 à 2,7% en février 2025.
- Ces progrès se sont très vite inversés avec le siège total de l’aide imposé depuis le 2 mars 2025, suivi de la reprise des hostilités par l’armée israélienne le 18 mars, en violation de l’accord de cessez-le-feu. En avril 2025, une femme enceinte ou allaitante sur cinq et près d’un enfant sur quatre examinés dans les centres de Médecins du Monde souffraient de malnutrition aiguë ou présentaient un risque élevé de malnutrition aiguë.
Après plus de 15 mois d’offensive militaire et de siège israélien sur Gaza, la malnutrition aiguë chez les enfants, les femmes enceintes et les femmes allaitantes signalée dans les gouvernorats de Deir Al Balah et de Khan Younes à Gaza atteignait des niveaux similaires à ceux du Yémen (environ 11,5 % en 2024 dans les cliniques soutenues par le réseau Médecins du Monde), un pays qui souffre depuis plus de dix ans de la guerre et qui figure parmi les pays les plus touchés par l’insécurité alimentaire dans le monde selon l’Unicef.
L’utilisation de la faim comme arme de guerre nous déplace d’une crise humanitaire vers une crise d’humanité et de faillite morale. L’inaction des États tiers qui ont les moyens de faire pression sur les autorités israéliennes pour qu’elles lèvent ce siège meurtrier est intolérable et pourrait être assimilée à de la complicité au regard du droit international. Aujourd’hui, plus de 2 millions de vies sont en jeu, sacrifiées par une privation illégale d’aide humanitaire. Les États tiers doivent agir en urgence.
Directrice de Médecins du Monde Suisse
Le constat est clair : cette crise alimentaire, mettant en danger la vie de milliers de personnes, est créée par l’homme et découle des décisions des autorités israéliennes d’autoriser partiellement ou de bloquer totalement l’aide humanitaire à Gaza.
* Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un taux de malnutrition de 10 % est élevé et un taux de 15 % est critique.