Santé mentale

L’anxiété et le stress minent la santé mentale des Ukrainiens et Ukrainiennes après un an et demi de guerre

En cette Journée mondiale de la santé mentale, le réseau international Médecins du Monde souhaite attirer l'attention sur la santé mentale et le bien-être émotionnel de la population ukrainienne après un an et demi de guerre. Plus de 50 % de la population ukrainienne souffre d'au moins un des symptômes de l'anxiété.

Ukraine, septembre 2023. © Ärzte der Welt / MdM

Ukraine, septembre 2023. © Ärzte der Welt / MdM

Anxiété, stress, tension, humeur maussade, problèmes de sommeil et d’alimentation, irritabilité, colère, pensées récurrentes, inquiétude constante et épuisement : la vie est devenue difficile après un an et demi de guerre, de pertes, d’incertitude et de peur. Les autorités sanitaires sont préoccupées et déterminées à répondre aux besoins non satisfaits de la population en matière de santé mentale et de services psychosociaux. Néanmoins, la situation actuelle a engendré des défis importants et nécessite un effort collectif, impliquant les autorités locales et nationales, les ONG internationales et locales et les groupes communautaires ou de la société civile.

La principale préoccupation en matière de santé mentale, où que ce soit dans le monde, est d’être conscient du problème et d’avoir la possibilité de demander de l’aide. En Ukraine, 31 % de la population ne considère pas que ses difficultés ou ses symptômes affectant son bien-être émotionnel sont suffisants pour demander un soutien psychologique*. Depuis le début de la guerre, le défi pour les organisations humanitaires telles que Médecins du Monde a été de sensibiliser la population à la nature des services de santé mentale et soutien psychosocial, d’en assurer l’accessibilité et de réduire la stigmatisation qui les entoure.

UKRAINE

« Au début, j'ai eu du mal à travailler, les gens ne faisaient pas confiance au psychologue. Mais avec le temps, de plus en plus de personnes sont venues me voir en consultation. »

Dans le même temps, selon Gradus Research, seuls 7 % des Ukrainiens ont déjà assisté à une séance avec un professionnel de la santé mentale. La plupart des gens essaient de gérer leur stress psychologique par eux-mêmes, en utilisant Internet (39 %), en communiquant et en s’exprimant avec leurs proches (31 %) et en regardant des films, des émissions de télévision et des séries (29 %).

  • 71 % de la population se sentent plus souvent stressés ou très nerveux ces derniers temps
  • Les émotions ressenties sont liées à 42 % à des sentiments de tension et à 41 % à de la fatigue.
  • 49 % des personnes pensent encore que « le soutien psychologique est réservé aux personnes souffrant de troubles de la santé mentale »
  • 74% des personnes pensent que pour changer les attitudes, il est nécessaire de mener des campagnes d’information visant à construire une attitude positive à l’égard du soutien psychologique.

La perte, la douleur, l’impuissance

La population a été affectée par de nombreux facteurs de stress : perte d’êtres chers, violence, blessures physiques, maladie, incertitude constante, perte de maisons, de biens et de revenus. C’est dans les régions proches des lignes de front que les gens souffrent le plus, alors que le manque d’accès aux services essentiels constitue un obstacle majeur, y compris les soins de santé. Les spécialistes en santé mentale de Médecins du Monde notent que les sentiments les plus courants parmi les populations touchées par le conflit sont le désespoir, la détresse émotionnelle, la tristesse, la colère, l’anxiété, les sentiments d’impuissance et de désespoir, entre autres.

Les équipes mobiles de Médecins du Monde travaillent dans les zones les plus reculées

Les équipes de Médecins du Monde se déplacent en dehors des routes pour aider celles et ceux qui n’ont jamais eu accès à des services de soutien psychosocial ou qui sont trop éloigné·e·s pour y accéder. « Au début, j’ai eu du mal à travailler, les gens ne faisaient pas confiance au psychologue. Mais avec le temps, de plus en plus de personnes sont venues me voir en consultation. La plupart d’entre eux se plaignent d’une anxiété et d’un stress constants, qui détériorent leur santé physique. Mais après quelques mois de travail, je constate des améliorations et un impact positif », explique Maryna Bohdanovska, psychologue travaillant dans l’oblast de Chernihiv pour Médecins du Monde.

« Lors de la première séance, je n’ai pas pu parler, j’ai juste pleuré. Cela fait des mois que je participe à des séances individuelles avec la psychologue de Médecins du Monde. Mon état émotionnel s’est beaucoup amélioré. La psychologue m’a appris à percevoir le monde d’une nouvelle manière. Et maintenant, j’ai la force d’avancer dans ma vie », explique Yuliya Nikolaenko, une résidente ukrainienne.

La santé mentale doit être une priorité publique

Malgré des avancées politiques significatives en matière de santé mentale ces dernières années, l’accès aux services de santé mentale et de soutien psychosocial, en particulier dans les zones touchées par la guerre, est limité par plusieurs facteurs, notamment l’accès en temps voulu aux informations pertinentes, l’accès géographique lié aux contraintes de disponibilité, le manque de ressources et de professionnels spécialisés, en particulier de services de soutien psychosocial et de ressources communautaires dans les zones reculées, rapporte Médecins du Monde dans son rapport Fostering access to mental health and psychosocial support in Ukraine (Favoriser l’accès à la santé mentale et au soutien psychosocial en Ukraine).

Dans ce contexte, l’accès économique est également limité par le manque de professionnels de la santé et de la protection formés et disponibles. Toutefois, les principaux obstacles à l’accès restent structurels et sont liés à la fragilité de la prise de conscience du fait que la santé mentale et soutien psychosocial est un élément fondamental de la santé, notamment parmi les décideur·euse·s et le personnel de santé et de protection. La forte stigmatisation de la communauté a également une influence négative.

Les équipes de Médecins du Monde en Ukraine contribue également à développer l’accès aux services de soutien psychosocial. Les spécialistes de Médecins du Monde facilitent le travail des plateformes de coordination et mettent en œuvre des programmes de renforcement des capacités (formation et supervision), développés par l’OMS, pour les professionnel·le·s de la santé mentale. L’organisation fournit également des services de soutien psychosocial directement. Des équipes mobiles, comprenant un psychologue, offrent des consultations aux populations affectées dans différentes régions d’Ukraine et promeuvent l’importance de la santé mentale auprès de la population.

* Source : Toutes les données proviennent de Gradus Research (2022) Mental health and attitudes of Ukrainians towards psychological assistance during the war.