Séisme au Maroc : le soutien psychologique aux victimes est indispensable dès maintenant
© Marc Ferra
La mission d’évaluation organisée par les équipes du réseau Médecins du Monde et ses partenaires se déroule depuis plusieurs jours à Marrakech et dans les villages les plus touchés par le séisme du 9 septembre dernier. Elle vise à évaluer les besoins psycho-sociaux de la population mais apporte déjà une réponse directe pour commencer à travailler sur les symptômes.
Pendant que les partenaires locaux répondent aux besoins de base (alimentation, abri, hygiène, sécurité, etc.), les équipes de Médecins du Monde les appuient sur les besoins psychologiques en situation d’urgence.
« Hier, nous avons été dans un village avec nos partenaires qui faisaient de la distribution alimentaire, de couvertures et de kits d’hygiène. Nous pensions devoir sensibiliser les villageois·e·s pour aborder la question de la santé mentale, mais une file s’est rapidement formée devant notre tente : les gens sont conscients de leur état psychologique et veulent y travailler », explique Majdouline Khoulaidi, responsable santé mentale et soutien psycho-social de la mission d’évaluation de Médecins du Monde.
Les équipes de Médecins du Monde forment entre autres des professionnel·le·s du secteur social et des psychologues qui ne sont pas spécialisé·e·s dans la prise en charge psychologique en situation d’urgence. Car les questions des personnes sinistrées fusent : que faire pour diminuer ces symptômes ? Est-ce normal ? Au bout de combien de temps irais-je mieux ? Quand mon enfant aura-t-il de nouveau un comportement normal ? Les formations visent aussi les professeur·e·s qui sont confronté·e·s à des situations inhabituelles en classe car les enfants ont très rapidement repris le chemin de l’école : des enfants qui s’isolent du reste du groupe, qui s’enferment dans le mutisme ou qui font preuve d’agressivité.
Les interventions en santé mentale en situation d’urgence impliquent une écoute active et une explication des symptômes : il s’agit de faire comprendre aux victimes que ce qu’elles ressentent est ‘normal’. Elles sont anxieuses, elles ont des troubles alimentaires ou du sommeil, elles sont vite irritables, elles font des cauchemars, elles-mêmes ou leurs enfants. Les écouter activement et leur expliquer les symptômes permet de les rassurer.
« Même si cela part d’une bonne intention, il faut se contenir émotionnellement et par exemple éviter de pleurer avec la personne ou éviter de poser des questions qui ‘retraumatisent’ », précise Majdouline Khoulaidi. « Par exemple, si une personne se plaint de troubles du sommeil, on lui recommande des exercices de respiration ou dans le cas de symptômes observés chez des enfants, on explique aux parents l’importance de la routine. Même si la famille est à la rue, parfois même si elle n’a pas de tente où s’abriter, il est important de garder l’heure du coucher, l’heure du jeu. Cela permet de contenir le niveau d’anxiété et d’éviter que les états se dégradent ». La psychologue développe : « On voit des enfants de 10 ans faire des régressions, refaire pipi au lit ou des enfants de 12, 13 ou 14 ans montrer un hyper attachement à leur maman. On voit aussi des mutismes sélectifs où l’enfant ne parlera plus qu’à une seule personne, ou encore des comportements agressifs d’enfants envers leurs propres parents ».
L’état de stress aigu est donc normal et peut durer jusqu’à 4 semaines, après un épisode tel que le séisme qui a frappé le Maroc. Mais le traiter est une nécessité dès maintenant, au risque de voir se développer des symptômes plus intenses de stress post-traumatique qui nécessiteront une prise en charge beaucoup plus longue. Selon les antécédents des personnes, un suivi psychologique sera nécessaire pendant au moins un an, après la phase d’urgence. Pour les personnes qui étaient déjà dans des situations de grande vulnérabilité avant le séisme – et qui souffrent donc de symptômes plus importants – l’accompagnement psycho-social prendra plus de temps.
Et Majdouline Khoulaidi de rajouter sur une note optimiste : « Il faut souligner la grande capacité de résilience de la population, que ce soit, les hommes, les femmes ou les enfants, mais aussi la grande solidarité mise en place par les victimes pour se soutenir mutuellement ».