Séisme au Maroc : assurer la continuité des services de soins est crucial
© Marc Ferra
Suite au puissant séisme qui a frappé le Maroc et a coûté la vie à près de 3'000 personnes, associations et organisations locales sont mobilisées afin de répondre à l'urgence et soutenir la population. Le Dr. Tarik Oufkir, Président de l'association MS2, partenaire du réseau international Médecins du Monde, nous en dit plus sur la situation sur place et les besoins actuels.
Quels sont les besoins les plus urgents actuellement ? Et dans les jours à venir ?
A l’heure actuelle, les opérations de secours sont toujours en cours. Mais il est par ailleurs essentiel d’offrir aux personnes secourues des moyens de subsistance : des tentes, de la nourriture, des produits d’hygiène, de l’eau, de l’éclairage…
L’autre besoin concerne le soutien psychologique aux personnes sinistrées ainsi qu’aux équipes de première ligne : secouristes, psychologues, personnel sanitaire… qui ont dû passer à l’action sans avoir de temps pour faire leur deuil. Ce soutien est important afin d’alléger leurs souffrances et d’atténuer les conséquences des multiples traumatismes subis sur la santé physique et mentale.
De plus, le séisme a détruit les structures de santé de base et il est crucial de garantir la continuité des services de soins surtout pour les personnes les plus vulnérables : les enfants, les femmes, les personnes porteuses de maladies chroniques ou invalidantes, les personnes vivant avec un handicap…
Médecins du Monde soutient les associations marocaines partenaires dans les villages reculés et les zones montagneuses difficiles d’accès ? Pourquoi ?
Les villages éloignés ont été les plus touchés par le séisme. C’est là que les besoins se font le plus sentir, du fait aussi de leur éloignement des services de base. Il est important que l’aide humanitaire les cible prioritairement.
Médecins du Monde met son expertise « santé en situation de crise humanitaire » à disposition, pour compléter le travail des associations partenaires marocaines déjà présentes dans ces zones reculées. Ces associations connaissent les communautés affectées et sont en mesure d’apporter une réponse adaptée à leurs besoins.
Quels sont les publics qui doivent être pris en charge en priorité ?
Les populations n’ayant pas accès aux services de base sont les populations les plus affectées et les plus vulnérables.
Parmi elles, les femmes et les enfants, les personnes âgées, vivant avec un handicap ou ayant des maladies ou invalidités sont les plus prioritaires. Mais il y a aussi les survivantes de violences sexuelles et d’autres types des violences basées sur le genre, les personnes exclues et/ou marginalisées (personnes en situation de rue, en situation de migration, les travailleurs et travailleuses du sexe, les consommateurs et consommatrices de drogue…) qui déjà, avant la catastrophe, avaient des difficultés d’accès aux services de santé et de protection. Cette situation de crise humanitaire les rend doublement vulnérables.
Quelles sont vos craintes dans les jours et semaines à venir ?
Le manque de services de base peut engendrer des épidémies et des affections qui sont liées au manque d’hygiène et de nourriture notamment. Il faut pouvoir assurer une continuité des aides et services et mettre en place des normes d’hygiène pour éviter cela.
Nous pensons aussi à l’importance de rétablir le continuum de soins notamment pour les personnes ayant des maladies chroniques et pour des questions de santé sexuelle et reproductive. L’accès par exemple au traitement pour les diabétiques, les dialyses, le suivi pour les femmes enceintes. Mais aussi l’accès à la contraception et aux préservatifs pour éviter des maladies sexuellement transmissibles et des grossesses non désirées, l’accès au matériel ou à des molécules de substitution pour les personnes consommatrices de drogues, pour celles et ceux qui ont des traitements hormonaux. On a tendance à oublier ces questions, bien qu’elles sont fondamentales et doivent aussi être prises en considération dans la phase aiguë d’une crise, dans le but de réduire au maximum les risques et de prévenir les problèmes de santé futurs.
Un appui psychologique est indispensable pour surmonter les conséquences des traumatismes et aider les personnes sinistrées à se reconstruire.
Président de l'association MS2, partenaire de Médecins du Monde
Quelle est l’importance de la santé mentale lors de catastrophes naturelles de ce type ?
La santé mentale, bien qu’elle soit souvent reléguée au second plan, revêt une importance particulière en période de crise : les traumatismes psychologiques sont très fréquents, souvent invisibles alors qu’ils conditionnent la santé physique et mentale des populations.
Un appui psychologique est indispensable pour surmonter les conséquences des traumatismes et aider les personnes sinistrées à se reconstruire, mais également augmenter leur résilience face aux crises ainsi que leurs conséquences à court et moyen terme.
Comment les organisations et associations locales peuvent-elles se mobiliser versus les ONG internationales ?
Face aux besoins énormes, il est important d’assurer une mobilisation de tous les acteurs (local, national et international) pour répondre aux demandes de plus en plus importantes, une collaboration et coordination entre tous ses acteurs permettra d’assurer une réponse efficace, coordonnée et durable face aux besoins des populations sinistrées. Et cela avec l’expertise nécessaire et l’ancrage local et communautaire permettant une meilleure efficacité des actions.