"Médecins du Monde m'a pris au sérieux", Myriam*, travailleuse du sexe
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Témoignage de Myriam*, travailleuse du sexe à La Chaux-de-Fonds
Je viens de Colombie. J’élevais seule mes deux filles en Espagne, où je travaillais comme esthéticienne. Comme le travail manquait, on m’a proposé de venir travailler en Suisse. Cela me semblait une bonne idée, alors j’ai confié mes filles à ma famille et suis venue avec mes équipements de travail et mes diplômes. Mais arrivée ici, on m’a demandé de vendre des prestations sexuelles. J’ai d’abord refusé, mais j’ai fini par céder sous la pression. J’aurais pu repartir tout de suite. Mais j’avais signé un contrat en arrivant. Je ne pouvais pas rompre ainsi mon engagement.
J’étais très isolée. Les autres travailleuses me méprisaient. Mes seules sorties étaient à la Migros. Le propriétaire avait la clé de ma chambre et entrait quand il voulait. Il profitait de ma solitude. Il m’a violée. J’avais peur. Je n’avais pas le choix : c’était ça ou avoir mes valises sur le trottoir. Curieusement, ce sont des clients qui m’ont aidée. Mon but était toujours de m’installer comme esthéticienne.
Quand le salon a été vendu, j’ai décidé de rentrer chez moi pour voir mes filles. Mais le nouveau propriétaire me harcelait pour que je revienne, pour soigner l’image de son salon. Je suis revenue après avoir posé mes conditions : je ne voulais parler qu’à une personne hispanophone, travailler comme je voulais.
C’est à ce moment que je me suis confiée aux intervenantes de Médecins du Monde. Elles m’ont écoutée, ont pris au sérieux mon histoire. Cette rencontre a été capitale pour moi. J’ai senti du soutien, j’ai pu me fier aux informations qu’elles me donnaient et j’ai découvert que j’avais des droits : grâce à elles, j’ai décidé de porter plainte contre mon abuseur. Ça a été très dur. Plusieurs femmes en mesure de témoigner ont refusé. Elles ont dit que ça ne servirait à rien, mais je crois qu’elles avaient peur.
Il a été blanchi. C’est terrible : cette procédure l’a rendu encore plus puissant. Sans le soutien de Médecins du Monde durant cette période, j’aurais certainement gardé le silence, comme les autres. Je suis indignée et déçue. Je savais qu’il y avait des gens qui exploitaient les autres, mais je ne pensais pas que ça m’arriverait à moi. Pourtant, ces situations sont quotidiennes.
Je crois qu’il est crucial d’écouter les personnes qui osent raconter ce qui se passe dans ce milieu. Ça vaut la peine et c’est important de montrer cette réalité. Bien sûr, c’est difficile et humiliant de le faire, mais cela permettra peut-être à d’autres de ne pas vivre la même situation. Je ne veux pas que ça se répète.
J’ai fait de mon mieux dans ces circonstances. Aujourd’hui, je ne me prostitue plus. J’essaie de rendre le soutien que j’ai reçu. Je prends soin des femmes qui travaillent dans mon salon. Tout est propre, très contrôlé. Elles sont libres de faire ce qu’elles veulent, mais je suis là pour elles si elles veulent.
Parfois, j’ai envie de baisser les bras, mais il me faut continuer, pour mes enfants. Pour que tout ça serve à quelque chose.
*prénom d’emprunt