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Frédérique, Coordinatrice générale en Haïti

Haïti est plongée dans une crise multiple, politique, économique, sociale et humanitaire. Les gangs ont renforcé leur emprise sur le pays, notamment sur sa capitale, Port-au-Prince, qu’ils contrôlent à 85 %. Médecins du Monde Suisse est présent en Haïti depuis 1996 et développe aujourd’hui des projets dans un contexte sécuritaire tendu. Entretien à Petit-Goâve avec Frédérique Chevalier, coordinatrice générale en Haïti.

Haïti est plongé dans une violence extrême et ses habitant·e·s vivent une crise permanente et multisectorielle. Comment décrire ce contexte ?

Dans les zones où Médecins du Monde est présent – notamment la zone métropolitaine de Port-au-Prince, c’est-à-dire la capitale et ses banlieues – nous assistons à un exode de la population qui fuit la violence des gangs qui, jour après jour, gagnent les quartiers. Nous vivons un chaos complet dans lequel les civils sont les premières victimes. Ces deux derniers mois, 203’000 personnes ont été déplacées, fuyant les combats et la violence.

Dans ce contexte, nous distribuons notamment des kits de dignité pour offrir quelques effets nécessaires pour survivre au quotidien. La majorité de ces personnes déplacées ne savent pas écrire : il s’agit bien des personnes les plus vulnérables qui s’entassent dans les sites de déplacé·e·s, notamment dans la capitale. Parmi elles, 53 % sont des femmes et 32 % sont des enfants. Nous intervenons dans 8 sites, mais la capitale en compte actuellement plus d’une quarantaine. C’est un état de crise permanent, et l’arrêt des financements des États-Unis a des conséquences considérables dans la mesure où toutes les activités de soutien en eau, hygiène ou encore en assainissement ont été réduites. La promiscuité est de mise sur tous les sites. Cela signifie que le risque d’épidémie — notamment le choléra — est important.

À Petit-Goâve, où nous avons notre bureau principal, la situation est différente, mais tout le pays dépend du carrefour de la capitale, qui est le lieu d’entrée de tous les biens. Les déplacements sont donc extrêmement sensibles pour notre équipe également. La pénurie alimentaire, le manque de carburant, les violences exacerbées, les massacres : nous vivons une situation de crise permanente et multiple.

En janvier 2025, l’ONU signalé une augmentation de 1000 des cas de violences sexuelles sur les enfants. Plus largement, les violences mettent à mal l’entier du système de santé.

C’est juste. À travers nos activités, nous enregistrons une augmentation des cas de violence : les viols sur mineurs, les violences sexuelles, le harcèlement, les violences physiques. Oui, ces augmentations sont bien visibles ! Nous travaillons particulièrement sur les questions liées aux violences basées sur le genre. Plus généralement, le système de santé haïtien est lui aussi très mis à mal. Une grande partie des hôpitaux sont fermés à Port-au-Prince et les infrastructures du ministère de la Santé, en province, restent opérationnelles mais manquent cruellement de moyens.

Au milieu de ce chaos, la réponse de Médecins du Monde est-elle encore possible ?

Oui, car nous soutenons le personnel de santé haïtien : notre impact va au-delà de la prise en charge des violences basées sur le genre. L’appui au système de santé est central. Les centres de santé et les hôpitaux communautaires de référence font un travail important avec très peu de moyens. Haïti est un pays avec des disparités démesurées et Médecins du Monde travaille sans cesse pour pérenniser sa présence avec les acteurs locaux. Sur le terrain, la situation à Port-au-Prince met à mal les déplacements, la logistique, la sécurité. Sans conteste, nous avons besoin de faire évoluer notre réponse vers une prise en charge d’urgence, comme nous avons su le faire dans notre réponse face au choléra ou à la crise Covid-19.

Médecins du Monde travaille avec des partenaires haïtiens. Quelle est la capacité de la société civile à se constituer et s’organiser ?

Le retrait des financements internationaux impacte lourdement les organisations locales. Le manque de moyens financiers prétérite la pérennisation des projets. Nous pourrions assister dans les prochains mois à une implosion des organisations nationales, qui se voient contraintes de fuir la capitale et de trouver de nouvelles ressources pour maintenir leurs activités. Les fonds de l’agence américaine USAID représentaient 66 % de l’aide financière octroyée en Haïti. Tout a été coupé brutalement, et l’impact est très lourd.

Face à cet abandon, qu’en est-il de la résilience au sein de la population haïtienne ?

Je le constate, la résilience s’épuise, bien évidemment. Les familles se déplacent sans cesse pour fuir les combats de rue. À chaque fois, il faut reconstruire un abri de fortune dans la promiscuité, la boue, avec une question quotidienne : comment faire pour nourrir ses enfants ? Haïti encaisse depuis des années les catastrophes naturelles et la violence. Les Haïtien·ne·s sont épuisé·e·s et, en province, il faut à présent assurer la survie des personnes déplacées. C’est également un défi pour les institutions sanitaires et les écoles. La résilience est mise à mal, la confiance est rompue et l’exode est énorme. Au milieu du chaos, Médecins du Monde poursuit son action avec les populations les plus vulnérables, les femmes et les enfants.

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