Depuis 2006, Médecins du Monde Suisse agit au Bénin pour garantir le droit à la santé et lever les obstacles auxquels les populations vulnérables font face. Parmi ses activités, le projet RESPECT améliore l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive et vise à garantir les droits sexuels et reproductifs. Entretien avec Symphorose Dotou, Agente de développement communautaire.
Au cœur du projet, la place des communautés est centrale. Comment travaillez-vous à les sensibiliser ?
La sensibilisation est un levier clé. Actuellement, nous mobilisons un réseau d’acteurs communautaires et institutionnels dans les communes de Cotonou, Abomey, Agbangnizoun, Djidja, Parakou et N’Dali. Ce dispositif inclut les ministères, les centres de santé, les établissements scolaires, ainsi que des groupes locaux tels que les Mécanismes Communautaires de Vigilance (MCV) et les Jeunes Entrepreneurs Solidaires (JES).
Très concrètement, des activités variées sont organisées pour briser les tabous liés à la santé sexuelle et reproductive. Nous tenons des séances de sensibilisation auprès des adolescent·e·s, jeunes, parents, leaders et élu·e·s locaux. Des causeries éducatives, des ciné-débats, théâtres forum et visites à domicile abordent des thèmes comme le dialogue parents-enfants, la prévention des IST et grossesses précoces, ou encore la lutte contre les violences basées sur le genre. En milieu scolaire, les jeunes reçoivent des informations sur leur santé sexuelle grâce à des pair·e·s éducateur·rice·s formé·e·s. Des kits sanitaires composés de préservatifs, tests de grossesse, produits d’hygiène et autres essentiels sont distribués. Ces actions sont accompagnées d’une communication adaptée et respectueuse des sensibilités locales pour garantir l’adhésion des communautés.
Quels ont été les principaux résultats et impacts des actions menées entre 2023 et 2024 ?
32’713 personnes ont été sensibilisées entre 2023 et 2024, dont 2’065 adolescent·e·s et jeunes, 16’353 femmes et 14’295 hommes. Ces actions ont permis de transformer les perceptions et attitudes sur les droits et la santé sexuels et reproductifs au sein des communautés.
Nous pouvons également avancer ce chiffre encourageant : 160 jeunes femmes vulnérables ont été réinsérées dans des métiers d’avenir tels que la couture, la coiffure, la soudure ou l’esthétique. En complément, ces femmes bénéficient d’un soutien alimentaire et psychosocial, favorisant leur autonomie économique et sociale.
À noter également que le projet a renforcé les capacités des centres de santé partenaires avec le déploiement de sage-femmes et de psychologues, ainsi que des formations pour les professionnel·s de santé. Ces initiatives visent à garantir une prise en charge adaptée, confidentielle et holistique, notamment pour les adolescent·e·s, les jeunes et les victimes de violences sexuelles ou conjugales. Plus généralement, les retours des bénéficiaires mettent en lumière l’impact transformateur du projet. Les communautés montrent une adhésion croissante aux actions menées et expriment le souhait de voir ces initiatives étendues à d’autres régions.
Quels sont les obstacles que vous rencontrez dans la mise en œuvre du projet ?
La mobilisation des bénéficiaires est un enjeu. Absorbés par leurs activités quotidiennes ou préoccupations économiques, beaucoup peinent à participer pleinement aux actions du projet, ce qui limite l’impact des initiatives communautaires, notamment celles basées sur le volontariat. D’autre part, les normes sociales et tabous autour de la santé sexuelle et reproductive restent une barrière importante dans certaines communautés. Les discussions sur ces sujets sont encore sensibles, nécessitant un travail continu pour déconstruire les idées reçues et favoriser un changement durable des mentalités. Ces défis mettent en évidence l’importance d’adapter les stratégies aux réalités locales et de renforcer l’implication des différents acteurs pour maximiser l’adhésion et la pérennité des actions entreprises.