Palestine

La prévention en santé mentale : une clé pour répondre à des problématiques vitales

La crise prolongée en Palestine a un impact sur la santé mentale

Dans le cadre de la Journée mondiale de la Santé Mentale, et de sa récente étude sur la prévention du suicide en Palestine, Médecins du Monde (MdM) encourage tous les acteurs à intensifier leurs actions dans la lutte contre les conséquences psychosociales et en santé mentale des conflits prolongés.

À l’échelle mondiale, le suicide représente 1,4 % des décès. Le suicide est la deuxième cause de décès chez les jeunes âgés de 15 à 29 ans. Selon des statistiques récentes, 79 % des suicides se sont produits dans les pays à revenu faible et intermédiaire. La relation entre la dépression et le suicide est bien connue aujourd’hui.

Selon les nouvelles estimations de l’OMS publiées dans The Lancet en 2019, la prévalence de personnes vivant avec des troubles mentaux dans les zones touchées par les conflits est plus importante qu’on ne l’estimait. Une personne sur cinq y vit avec une forme de trouble mental : dépression, trouble anxieux, Etat de Stress Post-traumatique, trouble bipolaire ou schizophrénie. Près d’une personne sur dix y vit avec une forme de trouble mental modéré ou grave.

4,9 millions de personnes vivent dans les territoires Palestiniens occupés (oPt), dans le cadre d’une crise prolongée qui pose de sérieux défis à la reconnaissance des droits de l’homme. Les Palestiniens ont connu des années de violence liée au conflit. Au cours de la dernière année, la situation humanitaire s’est nettement détériorée en Palestine, tandis que le financement humanitaire est en déclin. D’après les projections de l’OMS, on estime qu’environ 10 400 personnes auraient des problèmes de santé mentale graves et 41,700 pourraient avoir des problèmes légers à modérés nécessitant un soutien psychosocial et de santé mentale, dont au moins 26 000 enfants à Gaza dans les conditions actuelles. Ces chiffres pourraient augmenter, car les manifestations en santé mentale ont tendance à se manifester parfois bien après les événements difficiles.

MdM est présent en Palestine depuis 1995. En juin 2019, MdM a mené une étude mixte sur les facteurs de risque couramment associés aux tentatives de suicide en Cisjordanie, afin de mieux prévenir ce phénomène. Cette étude s’inscrit dans le cadre d’une stratégie globale de MdM pour l’intégration de la Santé Mentale et du Soutien Psychosocial (SMPS) dans les soins de santé primaires, et l’engagement communautaire en SMPS.

Les principales conclusions sont les suivantes : les tentatives de suicide sont multifactorielles : au niveau individuel, la maladie mentale, la pauvreté et le chômage, le sentiment d’inutilité, le désir de punir les membres de la famille, l’échec scolaire, la toxicomanie, la perte de membres de la famille proche et le manque de mécanismes d’adaptation en sont les principales causes. 14,5 % des gens ont exprimé qu’ils avaient un sentiment de perte de contrôle. Au niveau familial, le mariage (42 %) et les conflits familiaux excessifs (34,9 %), les ruptures amoureuses, la négligence étaient les principales causes identifiées. Au niveau sociétal, l’isolement, l’insuffisance des soins professionnels et de suivi, et la discrimination à l’égard des femmes étaient les principaux facteurs identifiés. L’étude souligne également le fardeau de la stigmatisation associée aux comportements suicidaires et le manque de signalement des cas de suicide pour cette raison.

Les professionnels de première ligne (médecins, infirmières) ont souligné qu’ils ne se sentent pas suffisamment formés sur la façon d’évaluer et de traiter les patients suicidaires, et qu’il n’y a pas de système de référencement clair.

Néanmoins, il est positif de constater qu’une grande majorité des patients rencontrés étaient prêts à recevoir des traitements et des soins aux urgences, et qu’ils étaient sensibles à la bonne volonté des professionnels médicaux et paramédicaux. De plus, en Palestine, il existe un réseau local d’acteurs du MHPSS prêts à intensifier son travail. Il est également possible de développer des interventions adaptées de prévention du suicide aux niveaux primaire et secondaire dans les services de santé, d’établir un registre national, et d’envisager d’intégrer un professionnel de la santé mentale aux équipes des services d’urgence pour renforcer le travail multidisciplinaire et fournir un soutien psychosocial de première ligne, et favoriser le référencement vers les structures de soin spécialisée.

Le 10 octobre, alors que nous célébrons la Journée internationale de la santé mentale, MdM souhaite souligner l’importance de :

  • Investir du temps et des ressources dans la réalisation d’études fondées sur des données probantes
  • Lutter contre la stigmatisation associée à la santé mentale, en particulier le suicide
  • Travailler en collaboration avec les systèmes de santé publique et les collectivités pour répondre aux problèmes de SMPS dans le cadre des conflits prolongés et des contextes humanitaires