Gaza Témoignage de Dr. Mai

Dr. Mai Abu Mughessib

Gaza – 30 juillet 2014

 

Dr. Mai est le médecin obstétrique de MdM à Gaza.

Elle a 39 ans et est mère d’un enfant de 3 ans. Son mari est aussi médecin de santé primaire et en ce moment travaille dans l’un des cliniques de l’UNRWA. Ils habitent dans leur appartement avec les parents de Dr. Mai. Ils ont 70 ans.

« Je ne dors plus, je ne mange plus. On passe tous la nuit dans la cuisine parce que c’est l’endroit le plus sûr de l’appartement.

Mes amis à l’étranger me demandent de quitter Gaza et de rester chez eux. Mais à part la presque impossibilité de sortir d’ici, je ne pourrais pas partir. Je ne veux pas partir. Je ne supporterais pas l’idée de partir et être moi en sécurité alors que mes gens ne le sont pas. Ici à Gaza aucun endroit n’est sûr.

Je suis médecin, je pense jour et nuit aux autres, je n’arrive pas à arrêter de penser à eux, à comment les aider, c’est mon devoir, je suis médecin, mais c’est tellement dangereux de sortir, et comment laisser mon bébé et mes parents si âgés seuls dans l’appartement.

C’était plus simple lors de la guerre « Plomb Durci ». Je pouvais travailler et ça me libérait de mes pensées et de passer la journée à entendre les informations.

Nous avons la chance d’avoir, pour l’instant, assez à manger. Et la chance aussi d’avoir de l’électricité deux heures par jour avec le générateur de l’immeuble. De 8pm à 10pm. Comme ça on peut pomper l’eau et charger les téléphones. On ne regarde pas la TV, on n’utilise plus l’ordinateur. Mais l’eau c’est indispensable. Je ne sais pas ce qu’on fera si un jour on n’en pas. Lorsque je pense à ceux et celles qui n’ont même pas d’eau … J’appelle mes amis, ceux dont je sais qu’ils ont encore moins que nous, pour leur dire de venir chez nous se laver, mais c’est trop dangereux de se déplacer. Ici à Gaza aucun endroit n’est sûr.

Mes collègues des cliniques où je travaillais avant, dans les East Villages, m’ont appelé pour me dire que, l’une d’elles est complètement détruite par l’Armée Israélienne, et l’autre a été pris par l’armée Israélienne qui ne laisse personne entrer.  Donc tous mes collègues d’avant essaient d’aider dans les écoles en distribuant des médicaments et des services médicaux, aussi avec des cliniques mobiles quand c’est possible. Ils me disent : « Docteur Mai, on ne comprend pas pourquoi l’Armée a pris la clinique ». Et moi je ne sais pas que leur dire. Je ne sais que pleurer. Et pour arrêter de pleurer j’ai besoin de travailler. J’espère que les équipes d’urgence de MdM pourront rentrer bientôt et se mettre tous à la tâche. J’ai besoin de faire quelque chose pour les autres. Il y a tant à faire, je ne peux pas rester ici à pleurer.

Le plus douloureux est que la plupart des morts et des blessés ce sont des gens normaux. Des gens comme moi, comme toi, des enfants, des femmes, des familles, morts chez eux. Ça pourrait être moi ou toi. Je ne sais pas ce qui est en train de se passer. Je n’ai jamais vu ça.  Je n’ai pas de mots, je n’ai que de larmes. »

– Entretien avec Alejandra Garcia Paton, MdM